After Atlas – Emma Newman – J’ai Lu – Critique littéraire
Introduction
Vivre, pour qui ? Pour quoi ?
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Je vous propose cette fois une chronique sur un livre en liste pour être ma meilleure lecture de 2024 : « After Atlas » de Emma Newman, un policier SF, qui par moment se retrouve aussi être un roman social.
Résumé :
Carlos Moreno est un esclave. Son contrat d’inspecteur auprès du ministère de la Justice l’engage jusqu’à la fin de ses jours, ou presque. Quand sa supérieure lui demande d’enquêter sur la mort suspecte d’Alejandro Casales, l’un des plus puissants leaders religieux de la planète, il n’a d’autre choix que d’accepter. Mais pourra-t-il garder la distance nécessaire à l’exercice de ses fonctions, quand la victime n’est autre que l’homme qu’il aimait jadis comme un père et qui l’a sauvé lorsque sa mère, Lee Suh-Mi, est partie dans les étoiles à bord de l’Atlas ?
Avis
En un seul mot : modernité.
Un récit qui se déroule dans le futur avec ses technologies, des IA comme assistant et son fonctionnement sociétal qui ne lasse pas de place à l’erreur, à l’inutilité, au temps de vivre, à la vraie nourriture.
Alors oui, un univers futuriste de SF assez classique, mais ça ne s’arrête pas là. Au-delà de son contexte, c’est dans les faits, les habitudes, les personnages, que ce roman se révèle aussi très moderne : transidentité, langage inclusif, immigration, esclavage moderne, violence conjugale (sur un couple homosexuel), rapport aux sectes, aux libertés, a la technologique face à la nature, à l’exploration spatiale.
Une sorte de dystopie qui laisse place à une réflexion grise, qui ne dit pas qu’il y a un à bon et un mauvais côté, mais le besoin d’un entre deux peut-être ? Lire ce roman, c’est sortir avec plein de questions sur la vie et avoir envie d’en débattre.
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Parlons de l’histoire : Le roman s’ouvre non pas sur l’enquête policière qui va rythmer le récit, mais sur son héros. Un enquêteur qui n’est pas juste le flic de l’histoire qui résout un meurtre tout en étant assez neutre pour que le lecteur puisse se prendre au jeu et se sentir à sa place. Ici, rien de ça. Carlos ne s’oublie pas au profit de l’enquête et du besoin d’identification du lecteur. Il est travaillé, profond, à une personnalité marquante et attachante avec de vrais désirs et de vrai besoins et une gestion de ses émotions difficile ajouté à un passé au petit oignon.
« — Je suis désolé », dit-il.
J’aurais tant voulu qu’il me le dise à moi. C’est ce que je souhaite depuis si longtemps, et je l’entends trop tard, sur une saloperie de vidéo, quand il le dit à quelqu’un d’autre. » page 186
Son rapport à la nourriture est ce qui a inspiré ma photo. Carlos n’a qu’un seul rêve : qu’on le laisse en paix avec un bout de terre ou faire pousser des légumes. C’est simple non ? Il veut se cuisiner des ragoûts, des vrais, c’est l’ambition la plus basique qui existe, mais qui lui est refusée. Et cette faim, cette douleur si grande pour un désir si petit est sûrement ce que j’ai le plus retenu de ma lecture. Carlos nous rappelle le sens des choses qui nous semble acquis.
Dès le début, on ressent l’étau sur le personnage, ce goût de sans avenir, de bloquer, comment ça pourrait être pire ? Que peut-on retirer de plus à quelqu’un qui n’a rien ? Le livre se resserre, les passages psychologiques de Carlos sont déchirants, lourd à porter, ils m’ont ému comme jamais pour « pas-grand-chose » qui est finalement tout. Heureusement, ce roman, c’est aussi une enquête, avec des faits concrets, qui allège le récit.
« Non, c’était cette dissonance cognitive permanente, cette envie désespérée de partir, et cette trouille atroce qui m’empêchait de le faire. Avoir si peur d’échouer tout en souhaitant échouer, parce que tout s’arrêterait enfin. Entendre sans arrêt que j’avais de la chance alors qu’on me traitait comme un objet. Je n’avais aucune idée du visage que prendrait mon avenir. » page 169.
Une enquête profonde, qui va loin, sans être perdante pour le lecteur ! Toujours un élément pour raccrocher ou donner de l’action. Son fond, avec le côté haut placé, gouvernement, est flippant de réalisme et ça rend le tout plus sombre, plus concret, plus étau encore, plus, « ok suivons pour survivre avec les choix qu’on nous offre, parce que c’est mieux que zéro choix même s’ils sont limités par au-dessus. »
En plus, le contexte de l’histoire est aux profits de l’avancé du scénario et ça donne des moments de stress fascinant. La dernière partie du livre est toute en surprise, mais c’est le génie de cette intrigue. Prenante, crédible, pas de solution miracle, jamais.
Tout est relié, la fin est satisfaisante niveau enquête.
Et même si la fin est brutale, vraiment on est presque content de s’en contenter et c’est peut-être ça le message du livre : concentrons-nous sur ce qu’on peut avoir, sur la possibilité d’être en vie, de pouvoir avoir un peu de choix, parce que d’autre n’ont pas à cause des gens plus hauts. Profitons de la vraie nourriture, de la musique, de nos amis. J’en ai eu des réactions viscérales, des frissons, nausées, tremblements, mais j’ai profondément aimé cette histoire, aimé ses personnages, parce qu’il n’y a pas que Carlos qui est intéressant. Ils sont tous marqués par des personnalités et des histoires qui les rendent réels.
Conclusion
Un livre sorti en 2018 pour la version française, qui peut se lire indépendamment du tome sur la mère de Carlos « Planetfall ».
« After Atlas » est un savant mélange d’enquête et de société qui m’a pris aux tripes et dont les messages nous toucherons tous un jour. Si vous en avez l’occasion, découvrez-le et vous n’aurez jamais autant apprécié le goût d’un légume qui vient de la terre, tout autant que votre liberté.
J’ai l’impression de n’avoir rien dit, de ne pas vous avoir assez parlé de cette intrigue, ce passé qui refait surface pour le héros et qui donnera lieu à tout le roman, mais le mieux, c’est de le découvrir vous-même !
Les cartes de Tahsin
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