Entre chiens et loups – Malorie Blackman – Milan – Critique littéraire
Introduction
Cent fois on aurait pu tendre la main…
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Entre chiens et loups de Malorie Blackman aux édition Milan. Une série classée adolescent en 6 tomes qui parle d’amour, de discrimination et de violence. Série dont le tome 1 est déjà beaucoup.
Résumé :
Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s’affrontent à coups de lois racistes et de bombes.
C’est un monde où Callum et Sephy n’ont pas le droit de s’aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d’un rebelle clandestin…Et s’ils changeaient ce monde ?
Avis
Une fois encore, je n’ai pas envie de cadrer mes idées, parce que cet avis-là n’est qu’émotions. Cet avis n’est pas une critique, il s’agit de mettre des mots sur une lecture qui m’a happée et que j’ai à la fois envie de conserver et d’oublier. Parce qu’elle est importante, qu’elle est belle, mais qu’elle est terriblement dure.
Ce que je ressens, c’est un immense gâchis. Elle m’a tellement bouleversée que mes souvenirs en sont presque flou, réduit à des concepts ou à des objets : des maths, un pansement, une carte d’identité, un jeu de cartes, des roses.
Rien que d’essayer d’en parler me donne envie de pleurer. J’ai lu ce livre parce que je m’attendais à une romance dans une dystopie. Que le héros porte le prénom d’un des miens (oui, j’écris.), que ça me faisait rire ! J’ai tout de suite accroché, je me suis mise à lire devant la télé (chose que je ne fais jamais), on me parlait, je répondais par des « humhum », incapable de le lâcher. Ce genre de livre ou manger devient une corvée, ou il n’y a plus que ce monde et toi, que plus rien ne compte.
Je ne serais pas expliquer pourquoi. Le sujet ? Cette discrimination inversée impactante, qui se joue à la fois dans des détails et de grande violences. Les personnages ? Ces deux maisons pourries de l’intérieur qui se délabre ? Ce friends to lovers doux et écartelé ? Cette impression qu’il n’y a aucune échappatoire ? Callum qui te dit que sa vie est finie à 16 ans, Sethy qui bouffe la sienne. La résignation, le gâchis, cette main qu’on ne tend jamais qui aurait pu tout éviter ? Cent fois, il y a eu moyen, cent fois, ils auraient pu privilégier la connaissance et la justice à la haine. Mais quand ton monde te prends pour un criminel, quel avenir ?
Brillant. Ce roman, ce tome 1 bon sang, est brillant.
Callum, c’est un prénom dérivé du latin, qui signifie « colombe » et ce roman te pose la question de ce qu’est la paix. Si elle peut exister, et quel sacrifice elle demandera.
Si on me demande aujourd’hui si je veux lire la suite, c’est non. Pourtant, lire ce livre est important. Il pose les bases d’une réflexion qui ne peut qu’unir les humains. Mais si je trouve la force en moi que de garder l’espoir en ce monde-là, et que le souvenir de ce livre arrête de me faire pleurer, je pense que lire la suite sera un autre moment hors du temps.
Ainsi, lisez-le à la manière d’un « Moon brothers », gardez en les bonnes valeurs à travers l’irréparable. Prenez cette main vacante, parce que si le livre ne l’a pas fait, nous, on peut encore.
Croyez en la justice, en l’humain, en la tolérance et en l’égalité.
Citations
« — Sephy, si tu m’avais frappé, ou giflé, ou même poignardé, la douleur aurait fini par s’éffacer, mais jamais je ne pourrai oublier ce que tu as dit. Jamais. Même si je vis jusqu’à cinq cents ans.
Je me suis essuyé les joues, mais ça ne servait rien parce que mes larmes continuaient à couler.
— Je ne parlais pas de toi, Callum. Je ne parlais pas de toi… Je voulais que ça s’arrête. » page 56
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« — Ton pansement n’est pas très discret.
— Ils n’en vendent pas de roses, a lâché Shania. Seulement des marron.
Je n’y avais jamais pensé. Mais elle avait raison. Les pansements avaient la couleurs de notre peau. Il n’en existait pas de la couleur de la peau des Nihils. » page 71
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« — La télé dit la vérité, a affirmé Lola.
— La télé ment sans arrêt. Ils nous disent ce que nous voulons entendre. » Page 81
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« — Je vois… Callum, parfois, il vaut mieux tenir sa langue.
— Mais c’est ce que tout le monde fait… du moins presque tout le monde, me suis-je corrigé en pensant à ce que je venais d’entendre. Et tout ce qui n’est pas dit finit par être oublié. C’est pour ça qu’il n’y a pas de Nihils dans les livres d’histoire ? Il n’y en aura jamais à moins que les Nihils puissent devenir historiens. » Page 129
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« J’avais seize ans et demi, et j’avais l’impression que ma vie était finie. J’avais dilapidé mes meilleurs moments. » Page 283
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« Callum m’a regardée. Je ne savais pas, avant cela, à quel point un regard pouvait être physique. Callum m’a caressé les joues, puis sa main a touché mes lèvres et mon nez et mon front. J’ai fermé les yeux et je l’ai senti effleurer mes paupières. Puis ses lèvres ont pris le relais et ont à leur tour exploré mon visage. Nous allions faire durer ce moment. Le faire durer une éternité. Callum avait raison: nous étions ici et maintenant. C’était tout ce qui comptait. Je me suis laissée aller, prête à suivre Callum partout où il voudrait m’emmener. Au paradis. Ou en enfer. »
Pages 342-343
Si tu aimes…
Moon Brothers et Entre chien et loups partage leur sujet contemporain, leur ambiance, ce sont pratiquement deux livres qui vont ensemble. Eldora c’est la version fantasy, tout aussi poignante : chronique Eldora
Les cartes de Tahsin
La reconnaissance elle est pour moi, pour vous, pour nous. Lire, c’est transmettre et ça a tout son sens ici.
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