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Meute – Karine Rennberg – Actusf (Helios) – Critique littéraire

Introduction

Pourquoi ne voyez-vous pas mes couleurs ?

*

Ouvrez les yeux, dans Meute, vous allez apprendre à voir le monde autrement. Un roman de Karine Rennberg initialement publié chez ActuSF, que vous pouvez désormais trouver en poche dans la collection Hélios ou en numérique !

Style

On va commencer par ce qui saute aux yeux dès les premières lignes : la narration en « tu ».

C’était très nouveau pour moi ! Je me suis demandé pourquoi « tu » et pas « je » si l’idée était de se rapprocher des personnages, et puis j’ai cessé d’y penser. D’une certaine manière, c’est un choix atypique pour un roman atypique, et ça le rend plus unique encore. Je crois que c’est l’idée, vous allez être au cœur des personnages et d’une histoire qui ne ressemble pas à ce que vous avez l’habitude.

Le style est brut, effrayé, confiant, en fonction des personnages. Une fois piégé à l’intérieur (si y vous parvenez), vous allez vous sentir eux : dépassés, stressés, en colère, loyaux.

Unisers

À la frontière entre les styles du « Le clan Bennett » de TJ Klune (chronique du tome 1) et de « Quand tu franchiras le fleuve » d’Hippolyte Leuridan-Dusser.

« Meute » présente un univers sombre. On y côtoie la pauvreté, la violence. On y découvre l’horreur, mais aussi l’entraide. Des arènes, des combats, des clans, des dettes, des missions dangereuses pour gagner sa vie ! Un univers dans lequel les personnages ont grandi et auquel il se sent appartenir.

Mais quand il s’agit d’avenir, de construire, quelle part de soi, aussi grise soit-elle, garder ?

La force du récit réside dans cette ambiance humaine qui mêle le pire aux couleurs, avec pour tout bouleverser : un enfant traumatisé qui ne peut pas survivre seul.

Souvent, ça va aller mal. Tellement bas. Bientôt, se répètent-ils, ça ira mieux. Et quand la méfiance se transforme en espoir, on se dit qu’on va peut-être y arriver !

Les phases de la Lune pour guider notre lecture, la vie qui s’installe et tourner les pages jusqu’à la fin en se disant « je comprends pourquoi tu t’arrêtes là, mais j’en aurais voulu encore, parce que ces chemins de vies, je ne veux pas les voir disparaître, je veux continuer d’y croire, de perdre pied, d’espérer encore et grandir avec cette meute moi aussi ».

Parce qu’arriver à la fin, on se dit que rien n’est terminé, et c’est le cas, parce que tout ne fait que commencer. Et cette histoire n’est pas celle de l’après-bouleversement, mais de l’instant décisif qui change des vies. 

Histoire et personnages

Nathanaël, ou Nath est un loup-garou « mordu » (pas de naissance), mais la meute qu’il a rejointe pour garder l’équilibre de ses transformations ne lui convient pas. Il est un garçon des rues, pour qui le combat est à la fois une manière de vivre et de se défouler. Alors, quand il se retrouve à devoir veiller sur un enfant traumatisé et sensible et que le destin décide de les lier, un combat de vie débute. Comment allier ancienne vie et nouvelle ? Comment ne pas se changer sans détruire le fragile lien qui les relie et sans lequel Calame ne survivra pas ?

Nath dans ce roman va se confronter à ce qui ressemble au rôle d’aidant, dont je vous donne la définition :

« Personne qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. »  Aidant – Aidante. (s. d.). Mon Parcours Handicap. https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/glossaire/aidant-aidante

Nath, pour qui la vie est chaotique, dangereuse et pauvre, se retrouve à endosser seul la responsabilité d’une vie brisée en morceaux. Calame, ce jeune garçon à qui on a laissé d’énormes séquelles psychologiques et physiques, qui évolue dans son propre monde, incapable de parler, de sortir, de toucher, de manger, de se transformer. Parce que lui aussi est un loup-garou, dont les points de vue sont à l’image d’un animal en cage. Mais au fond, Calame est rempli de couleur.

Face à cette impuissance, face au danger du monde, face à ce qu’il doit cacher à ses alliés qui gravitent autour sans jamais réussir à vraiment l’approcher (y compris à son amoureux), Nath n’a pas le droit de sombrer. Il a besoin d’argent, il a besoin de temps, il a besoin de sécurité et, pour ne pas aider, il y a des enflures qui veulent lui voler sa maison (MA maison, comme je l’ai crié pendant ma lecture, le « tu » ça marche bien finalement xD).

Le soutien dans ce manque de stabilité, celui qui assure les arrières, c’est Val ! Muet depuis un accident (ou plutôt un combat qui a mal tourné), combattant aguerri et protecteur de Nath, il ne faut mieux pas être son ennemi ! Enquête et révélation sur l’horreur en dehors des mauvais quartiers, c’est son job ! Il nous permet de voir la situation de l’extérieur, les gens de l’extérieur aussi et renforce le poids du monde de ce livre, sa grandeur, au-delà des murs de cette maison au milieu de la forêt.

Cette ambiance de métal, de combat, de survie, mais aussi de douceur et de confiance, qui peut basculer à tout moment au désastre, et cette force qui y fait face, parce qu’abandonner n’est pas permis, sacrifice et bonté, bon sang oui !

C’est une histoire de vie, de tranches de vie qui s’enchaînent entre ses trois points de vue. C’est une histoire de meute, une de ses histoires de loup-garou qui ne prenne pas le parti de l’urban fantasy sexy qu’on connaît et que je n’ai personnellement jamais apprécié. Ce sont ses autres histoires de loups, qui parlent de familles construites, d’humains brisés et enchaînés, d’humains désoeuvrés et de sociétés déshumanisées.

Il y a beaucoup de choses à apprendre de ses histoires qui ne ressemblent pas aux autres.

Conclusion

Oui, je veux plus de livres comme celui-ci. Je me rends compte que c’est ce genre de roman que j’aime tant lire, ceux dont le fantastique permet de creuser l’humanité dans ses aspects les plus sombres et les plus lumineux, pour en retirer une nouvelle compréhension du monde.

« Meute » est atypique, mais il est exactement le pourquoi j’aime lire. Vivre, comprendre, créer, même quand tout n’est pas rose autour. Trouver le courage, l’amour, la compassion sans se perdre et avancer dans un monde où tout n’est pas juste, où tout ne se répare pas, mais qui recèle quand même de beauté quand on cherche à la voir.

J’en ressors avec une petite flamme en moi, pleine d’espoir et d’une certaine façon de reconnaissance, pour ces combats de l’ombre qui peignent les humains de toutes les couleurs qu’on ne voit pas et qui nous rendent « nous », avec nos défauts comme nos valeurs, sans aucun jugement.

Les cartes de Tahsin

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